La sexualité est un aspect fondamental de la vie humaine, mais il existe encore de nombreux tabous entourant ce sujet, en particulier lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables, comme les adolescents en situation de handicap physique ou mental. Les établissements médico-sociaux jouent un rôle crucial dans la prise en charge de ces jeunes, mais ils sont régulièrement confrontés à de nombreuses problématiques liées à la sexualité.
De la masturbation aux relations de flirt, en passant par les baisers et les caresses en cachette, et les signalements d’attouchement ou d’exhibitionnisme entre adolescents… Les dérives en elles-mêmes sont fréquentes. Pourtant, les solutions éducatives pour y remédier manquent cruellement au personnel, aux jeunes mais aussi parfois à la famille. On préfère alors enterrer le problème plutôt que de chercher une solution. Tabous tenaces ? Problèmes d’accès aux ressources éducatives ? Manque de ressources ? Popaia fait le point sur le sujet entre défis et solutions.
1. Des tabous persistants autour de la sexualité des personnes vulnérables
La société a tendance à minimiser ou mettre un voile sur la sexualité des personnes en situation de handicap, contribuant bien souvent à leur isolement. Par ailleurs, les parents ou les aidants n’osent pas se renseigner sur le sujet et encore moins échanger avec les établissements autour des comportements sexuels à autoriser ou à proscrire. Le sujet restant difficile à aborder. Pourtant, la sexualité est une facette naturelle de la vie de chacun et ne pas prendre en compte celle des personnes vulnérables conduit à des dérives affectives et sexuelles ignorées mais pourtant bien réelles.
Chez Popaia, nous avons mené plusieurs études et entretiens au sein de divers EMS. Nous étions loin de nous douter que des manifestations de la sexualité chez les jeunes pouvaient être si nombreuses et parfois impensables. Notre rencontre avec Lara fut le premier exemple bouleversant. Non voyante, elle n’a pas su mettre correctement le préservatif avec son petit ami et a dû subir une IVG par le simple manque de contraception adaptée à son handicap. Celle avec Virginie fut tout aussi révélatrice. Vivant en foyer à cause de sa surdicécité, elle refusait de s’alimenter car elle était persuadée qu’elle pouvait tomber enceinte par le simple fait de manger ! Ou encore Hugo, en situation de handicap mental, qui se masturbait dans des verres ébréchés car il ne trouvait rien de mieux et que son besoin n’était pas entendu. Julien, également en situation de handicap mental, se promenait nu dans les couloirs de son établissement parce qu’on ne lui avait pas expliqué la notion de pudeur et d’exhibition.
Tous ces exemples nous ont révélé que le premier problème auquel sont confrontés les adolescents en situation de handicap au sein des établissements médico-sociaux est la non-prise en compte de leurs besoins sexuels. Souvent, l’entourage et le personnel éducatif supposent que ces jeunes n’ont pas de désirs sexuels ou qu’ils ne sont pas capables de les exprimer et cela peut entraîner la frustration et le mécontentement de l’adolescent, ainsi que des problèmes émotionnels.
Ensuite, nous avons constaté que les protocoles de prévention, d’intervention ou de sensibilisation manquaient cruellement au sein des établissements. Que faire en cas d’exhibition ? De pulsions sexuelles exacerbées ? De consentement non éclairé ? De violences sexuelles ? Et plus globalement, de comportements inappropriés ? Les ressources éducatives et les actions à mettre en place existent mais ne sont pas si simples à trouver, rendant l’éducation des jeunes très limitée en matière de sexualité adaptée.
2. Quelles solutions pour pallier ces dérives en matière de sexualité ?
Face à ces constats, la principale aspiration de Popaia se résumait en une phrase : Faciliter l’accès à l’éducation sexuelle et affective en un seul endroit où l’on peut trouver toutes les informations et ressources indispensables, un lieu d’échange pour comprendre, s’inspirer, faire remonter un besoin et répondre aux différentes problématiques rencontrées dans ces EMS par le personnel soignant qui se trouve souvent embarrassé face à l’ambiguïté (sujet sensible, peur de mal faire d’un point de vue éducatif, peur du jugement des collègues, manque de ressources pour se former)…
En effet, l’éducation sexuelle est essentielle pour tous les adolescents, y compris ceux en situation de handicap. Cependant, elle doit être adaptée à leurs besoins individuels. Le personnel éducatif doit être formé pour fournir une éducation sexuelle inclusive, en utilisant des supports adaptés à chaque jeune, qu’il s’agisse de supports visuels, de communication assistée ou de discussions ouvertes. Ou, à défaut de formation du personnel, les établissements pourraient faire appel à des structures ou des intervenants indépendants habilités à animer des ateliers de VAS (Vie Affective et Sexuelle).
Par exemple pour Julien et Hugo, au lieu de réprimer les comportements sexuels tels que la masturbation ou l’exhibition, le personnel éducatif doit encourager une expression sexuelle appropriée. Cela peut inclure la mise en place de zones de vie privée où les adolescents peuvent se livrer à ces comportements en toute sécurité, tout en respectant les limites et la décence. Certaines ressources pourraient les sensibiliser : des vidéos d’influenceurs qui testent des masturbateurs par exemple, des ateliers de discussion ou encore des jeux éducatifs. Pour Virginie, l’ignorance du mécanisme de la grossesse est frappant. Un support tactile adapté à sa surdicécité aurait pu lui éviter cette fausse croyance de risquer de tomber enceinte en mangeant !
Par ailleurs, la formation du personnel est essentielle pour aborder les problématiques liées à la sexualité des adolescents en situation de handicap. Les professionnels doivent être formés à la fois sur les aspects techniques de la sexualité et sur les questions éthiques et légales. Cela les aide à mieux comprendre les besoins des jeunes et à fournir un soutien approprié. Consentement, Contraception, Violences sexuelles… Des outils existent et devraient être plus facilement accessibles pour former le personnel et l’aider à mettre en place des protocoles de prévention auprès des jeunes.
La sexualité des adolescents en situation de handicap est un sujet complexe mais essentiel à aborder. Les établissements médico-sociaux ont la responsabilité de reconnaître et de répondre aux besoins sexuels de ces jeunes, tout en les protégeant des violences sexuelles. La situation est d’ailleurs la même pour les adultes qui vivent en établissement spécialisé. En mettant en place une éducation sexuelle adaptée, une formation du personnel et des protocoles de prévention, nous pouvons contribuer à créer un environnement où tous les adolescents et adultes peuvent s’épanouir en toute sécurité et en toute confiance. Il est temps de briser les tabous et de reconnaître que la sexualité est une partie fondamentale de la vie de tous les individus, quel que soit leur handicap.