Un handicap mental, psychique, cognitif et même physique accroit le risque de violences sexuelles. Selon un rapport de la DREES paru en juillet 2020, 7,3% des personnes handicapées déclarent avoir subi des violences physiques ou sexuelles au cours des deux années précédant l’enquête, soit deux fois plus que les personnes non handicapées. D’après l’agence des droits fondamentaux des droits européens, les femmes en situation de handicap sont particulièrement concernées puisque 35% d’entre elles subissent des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, contre 19% des femmes dites valides. Les femmes avec un handicap psychique sont 33% à déclarer avoir été violées, contre 9 % pour l’ensemble des femmes !
Pour autant, ces chiffres sont lacunaires car les violences sexuelles sont souvent mal dépistées et peu dénoncées. Les personnes concernées ayant elles-mêmes du mal à définir ce qui constitue un acte de violence par manque de connaissance sur leurs droits, leurs ressentis et leurs émotions en matière d’intimité et de relation affective. Un constat alarmant qui révèle que ces violences sont dues à la vulnérabilité et à la fragilité d’un public sans défenses constituant malheureusement une cible docile pour les prédateurs sexuels.
Des lacunes sur l’accès à l’éducation en matière de vie affective et sexuelle
Les personnes en situation de handicap ne sont pas égalitaires qualitativement et quantitativement sur l’accès à l’éducation en matière de vie affective et sexuelle. Le manque voire l’absence de ressources disponibles, de formations adaptées en fonction du handicap, d’outils pédagogiques et de supports éducatifs compréhensibles rendent l’accès à la connaissance difficile.
Cette carence est à l’origine d’un manque de repères pour les personnes en situation de handicap, contribuant à favoriser des comportements à risque (fragilité, consentement, violence, harcèlement, attouchements). En effet, pour les personnes fragilisées, le manque de connaissance de leur droit en matière d’intimité et de sexualité, le manque d’autonomie et d’épanouissement personnel, le besoin d’être rassuré sur la normalité des ressentis et des comportements, les problèmes d’usages et d’accessibilité à des outils courants (contraception, maternité, parentalité…) engendrent des risques de comportements abusifs.
Comme le souligne Tanguy, sourd de naissance et aveugle depuis ses 8 ans, « Pour être épanoui dans ma vie sexuelle et affective, j’ai besoin de savoir ce qui est interdit de faire, et ce qu’il est dangereux de faire pour moi et les autres. Ces connaissances doivent garantir mon confort personnel et ma sécurité, ainsi que celle des autres. Or, Personne ne m’a expliqué les notions de vie sexuelle et affective. Je pose parfois des questions à mes proches mais j’aimerais que les professionnels de mon établissement soient en mesure de m’expliquer les notions de vie sexuelle et affective à travers des outils que je pourrai comprendre. »
Pour les professionnels de terrain ou les aidants au contact des personnes fragilisées, le constat est identique. Le manque voire l’inexistence d’outils pédagogiques adaptés pour aborder qualitativement la vie sexuelle et affective complique leurs initiatives malgré une volonté de se former, de s’outiller et de se faire accompagner pour traiter des questions propres à la santé sexuelle. La volonté d’échanger, de mutualiser et de partager avec d’autres professionnels s’avère difficile et la recherche d’outils pédagogiques est bien souvent chronophage, peu pérenne et effectuée avec peu de moyens.
Quelles solutions pour la protection des personnes handicapées contre les violences sexuelles ?
Face à ce constat, l’instruction N° DGCS/SD3B/2020/178 relative à la diffusion du cahier des charges des centres ressources régionaux « vie intime, affective, sexuelle et de soutien à la parentalité des personnes en situation de handicap » a vu le jour en octobre 2020. Cette publication invite à la mise en place d’un centre de ressources dans chaque région pour les personnes fragilisées, leurs proches et les professionnels.
Depuis, 10 centres de ressources ont été déployés en métropole permettant aux personnes en situation de handicap à domicile ou en établissements et services médico-sociaux (ESMS) d’améliorer leur autonomie et leur sécurité. Pourtant, ces centres de ressources rencontrent plusieurs difficultés. Ils font notamment face au manque de visibilité, d’accessibilité physique ou géographique à des outils spécialisés pour certaines typologies de public (handicap visuel, surdicécité, jeunesse…). Par ailleurs, les besoins identifiés et les ressources acquises par les centres sont pour la plupart du temps adaptés aux besoins du territoire et non mutualisés avec les autres centres de ressources. Ils se spécialisent sur une thématique mais n’en font pas forcément profiter les autres centres. Il y a donc une réelle volonté d’accroître le panel d’outils et l’accès aux outils vers d’autres typologies de handicap. Mais surtout de mutualiser et échanger autour des besoins à l’échelle nationale en matière de ressources sur la santé sexuelle.
La future plateforme Popaia, qui doit voir le jour à l’horizon de l’été 2023, a pour objectif de venir en relais de ces centres de ressources, et a vocation à répondre à différentes problématiques identifiées auprès de plusieurs publics (les personnes en situation de handicap, les professionnels de terrain, les centres de ressources et les concepteur de ressources).
De nombreux supports éducatifs pour la santé sexuelle (outils à toucher, jeux, ateliers, formations, services) existent mais les proposer au plus grand nombre demeure un parcours du combattant. C’est dans ce contexte que Popaia centralisera et référencera les ressources pédagogiques disponibles sur le territoire afin de les mettre à disposition de tous les bénéficiaires. Les ressources pourront être proposées par tous au travers de différents modes d’acquisition et de partage. Et si des ressources sont manquantes, la plateforme permettra d’approfondir les recherches ou de contribuer à la création de nouvelles ressources.
Une belle ambition qui, en rendant visible les outils existants et en contribuant à la création de nouveaux, permettra de sensibiliser et former tous les acteurs (personnes fragilisées, aidants, professionnels de terrain, centres de ressources…) afin qu’ils contribuent à repérer et prévenir les violences sexuelles ainsi qu’à accompagner les victimes vers plus d’autonomie, d’épanouissement et de confiance autour de la thématique de la vie sexuelle et affective.