D’après une enquête à l’initiative de l’association « Mes Mains en or », près d’un adulte déficient visuel sur trois (30 %) affirme ne pas avoir reçu d’éducation à la sexualité et à la vie affective. 11 % disent même ne pas s’en souvenir. Manque de supports adaptés, professionnels d’accompagnement trop peu formés et mal outillés… Les lacunes éducatives sont nombreuses, d’autant plus que certains concepts liés à la sexualité sont très difficiles à se représenter sans le sens de la vue, que ce soit la compréhension du corps, des codes amoureux ou encore les moyens de contraception. Il existe aujourd’hui de nombreuses difficultés à former et être formé sur cette thématique mais heureusement, des solutions existent pour les personnes qui souffrent de déficience visuelle. Popaïa fait le point !
Des difficultés liées à l’accès à l’information sur la vie sexuelle et affective
En matière d’éducation sexuelle, il existe une réelle distorsion entre les informations reçues par les personnes malvoyantes et leurs attentes. Celles-ci perçoivent l’éducation à la sexualité comme trop exclusivement axée sur son aspect biologique et sur les enjeux de prévention (prise de contraception, risques de maladies sexuellement transmissibles…). Or, les questions de rencontre, de séduction, de genre et de consentement sont leurs attentes les plus importantes. En effet, au delà de l’acte sexuel en lui-même, il est souvent délicat pour elles de se représenter un comportement approprié de séduction, de comprendre les codes sociaux ou encore de bien connaître leur corps et celui de l’autre. Ces thématiques ont besoin d’être développées et optimisées par les accompagnants pour fournir une éducation personnalisée et surtout plus épanouie car la sexualité constitue l’un des éléments fondateurs de l’équilibre psychique et cognitif.
Au delà des thèmes abordés, les méthodes et outils d’éducation des personnes déficientes visuelles sont elles aussi lacunaires. Les établissements médico-sociaux spécialisés dans la déficience visuelle se sentent démunis de supports éducatifs. 63 % des professionnels interrogés affirment d’ailleurs qu’aucun projet d’établissement n’existe sur le sujet. Pourtant, certains gestes ne peuvent pas être expliqués uniquement à l’oral ou dans un livre en braille. Il est indispensable d’intégrer le toucher, l’olfactif, la kinesthésie et le son de la voix pour appréhender une relation intime de façon globale et sereine.
D’un point de vue beaucoup plus concret, de nombreux blocages inhérents à la déficience visuelle viennent perturber la vie sexuelle :
- La prise de la pilule contraceptive pour les femmes ayant des déficiences visuelles peut s’avérer compliquée sans une aide externe, notamment avec les plaquettes de pilules triphasiques dépourvues de braille qui peuvent être source d’erreur dans l’ordre de prise.
- L’enfilage du préservatif pour les hommes ou leur partenaire n’est pas toujours évident. L’accès aux modes d’emploi est généralement impossible puis la prise en main et l’enfilage peut s’avérer délicate (sens de déroulement, positionnement correct…)
- La gestion des règles et l’usage des protections hygiéniques peut être embarrassante car bien souvent, les notices d’utilisation ne sont pas disponibles en braille et une tâche de sang est difficile à déceler.
- Accéder à une sexualité épanouie avec des positions sexuelles variées peut s’apparenter à un parcours du combattant lorsque l’on ne visualise pas la position de son corps et celui de l’autre. D’autant plus que le kamasutra est majoritairement constitué d’images.
Des outils pédagogiques et pratiques pour une sexualité plus épanouie
Malgré ces constats d’inégalités en matière d’éducation à la sexualité, des solutions concrètes tendent à se développer pour les personnes déficientes visuelles. En France, la création des centres de ressources régionaux « vie intime, affective sexuelle et de soutien à la parentalité des personnes en situation de handicap » est un premier pas vers plus d’autonomie et de sérénité. Le deuxième sera de centraliser et référencer toutes les ressources pédagogiques disponibles sur le territoire pour les mettre à disposition du plus grand nombre de professionnels de santé et de personnes déficientes visuelles. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de la plateforme Popaïa.
Ces dernières années, de nombreux projets et initiatives encourageantes ont vu le jour pour rendre la sexualité des déficients visuels plus accessible. Parmi eux, on peut citer :
- Le projet d’étude de Laurie Banos & Célia Cavaillole qui vise à repenser le système de distribution des pilules contraceptives en utilisant un distributeur à roue crantée pour ordonner la prise de comprimés et faciliter leur distribution unitaire avec une description en braille sur le boîtier.
- Des préservatifs adaptés aux personnes aveugles et malvoyantes avec un packaging en braille développés par le laboratoire Terpan et destiné à faciliter leur achat et utilisation.
- Le projet en cours de Caroline Chabaud et Laetitia Castillan, de l’association « Mes Mains en or » qui vise à rendre accessible l’ouvrage de Anna Roy en braille et en gros caractères, « Tout sur les règles » avec la conception d’un kit pédagogique pour les jeunes filles déficientes visuelles. Une belle initiative qui fait partie d’un projet plus global intitulé « Éduquer pour protéger » dont l’objectif est de développer à grande échelle l’offre de formation et des outils accessibles sur les questions d’éducation à la sexualité pour les jeunes en situation de handicap visuel.
- Un ouvrage créé par la jeune suédoise Nina Lindra qui propose le kamasutra en braille avec des images tactiles permettant de se familiariser avec différentes positions et de varier les plaisirs pour une sexualité plus épanouie.
- Un kit éducatif sur la sexualité des personnes non voyantes créé par la designeuse Karolina Kruszewska sur la sexualité. Il se compose de 13 leçons éducatives très détaillées sous forme de films audio mis en ligne sur YouTube et s’accompagne de figurines imprimées en 3D représentant cinq positions sexuelles, fixées sur un socle où des explications ont été apposées en braille et un QR code a été ajouté renvoyant aux différentes leçons en ligne.
Ces différentes initiatives innovantes et prometteuses ne sont qu’un échantillon des solutions existantes pour repenser et améliorer l’éducation sexuelle et affective des personnes déficientes visuelle. Malheureusement, elles sont bien souvent méconnues. C’est pour cette raison que la plateforme Popaia verra bientôt le jour ! Son objectif est de mettre à la disposition du plus grand nombre des outils ludiques, utiles et efficaces.