L’handiparentalité fait encore l’objet de méconnaissance et de stigmatisation dans notre société actuelle. Pour les personnes en situation de handicap physique, sensoriel ou mental, le désir de devenir parents se heurte donc bien souvent à de nombreuses appréhensions. Elle peuvent être confrontées à des défis uniques et très spécifiques lors de la grossesse et de l’éducation de leurs enfants. Ce mois-ci Popaia donne la parole aux principaux intéressés et fait le point avec eux sur les défis du quotidien et les solutions qui peuvent être mises en place pour une parentalité adaptée et épanouie.
Les défis majeurs de l’handiparentalité : entre préjugés et accès aux soins adaptés
Lorsqu’une femme en situation de handicap tombe enceinte, elle fait face à des préjugés tenaces de la part de la société et parfois même du corps médical. Par manque de formation, il n’est pas rare que certains professionnels de santé expriment leurs doutes quant à leur capacité à assumer une grossesse et à devenir parent, ce qui peut parfois mener à un manque de suivi médical adéquat.
Comme le souligne Rafaela Gunsett, accompagnante périnatale, « Pendant longtemps, et encore aujourd’hui, les personnes en situation de handicap sont infantilisées, leur sexualité est tabou tout comme leur désir d’enfant. Ces préjugés engendrent de fausses croyances et des comportements inadaptés, comme par exemple « une femme en fauteuil roulant ne peut pas allaiter ». Les parents en situation de handicap peuvent donc parfois sentir une pression supplémentaire pour réussi à « bien » s’occuper de leur bébé. Parfois, ils vont éviter de demander de l’aide pour justement prouver qu’ils sont tout aussi capables d’être de bons parents que n’importe qui. Il existe également une négligence de suivi gynécologique par manque réel d’accès aux soins pour certaines femmes porteuses de handicap et notamment des informations non adaptées aux personnes avec des troubles sensoriels. Une autre problématique est lorsque c’est le co-parent (père/mère) qui est en situation de handicap, l’aidant naturel étant très souvent la future mère il faut alors trouver une alternative pour la fin de grossesse et pendant le séjour à la maternité. »
Trouver des informations sur la grossesse adaptées à leur situation peut s’avérer compliqué pour les parents en situation de handicap. Les ressources, comme les livres, les sites web et les cours prénataux, ne sont pas toujours accessibles ou adaptées à leurs besoins spécifiques. Cette situation peut entraîner un sentiment d’isolement et d’ignorance, les privant ainsi des connaissances essentielles pour une grossesse sereine.
Pour Dany N’SOSSOLO, qui a perdu la vue progressivement dans son adolescence suite à une maladie, devenir père a été un grand événement. Même s’il avait peu d’appréhension, ça n’a pas toujours été facile. « Lors de la grossesse de ma compagne, je n’ai pas eu d’accompagnement. Le suivi s’est fait normalement, comme pour tout le monde. Ce n’est qu’après que j’ai appris que les échos 3D existaient, pouvant me permettre de toucher la forme du foetus et du bébé pendant son développement intra utérin. Mais malheureusement, les professionnels ne sont pas assez informés sur le sujet. »
Pour lui comme pour de nombreux parents en situation de handicap, l’éducation d’un enfant demande une organisation quotidienne souvent complexe car les défis logistiques peuvent être amplifiés. L’accessibilité des lieux publics, des établissements scolaires et des services de garde peut être un obstacle majeur. De plus, certaines tâches domestiques, comme le bain de l’enfant, le biberon, l’administration de médicaments ou le changement de couches, peuvent être physiquement exigeantes, rendant nécessaire un soutien supplémentaire.
Selon Dany, « Être père et avoir une cécité, c’est vraiment toute une question d’organisation. Les principales difficultés, on y est confronté lorsque l’enfant est nourrisson car il ne parle pas et ne peut pas exprimer un problème ou décrire ce qu’il ressent. Le sens de la vue devient indispensable dans certaines situations (lorsque l’enfant se blesse en faisant du 4 pattes, qu’il commence à marcher ou qu’il met à la bouche des objets). Dans ces cas, la surveillance visuelle d’une tierce personne devient indispensable. Tout comme dans certaines situations du quotidien où la vigilance doit être maximale pour tout ranger et ne rien laisser trainer. Par exemple, je me suis déjà retrouvé chez moi à chercher mon thermomètre. Mon fils l’avait bouger. J’étais seul et je devais lui prendre la température. Étant tellement embêté, j’ai utilisé une application qui me permet de faire un appel vidéo chez un tiers pour qu’il me guide et m’aide à le retrouver. Il m’arrive de faire des appels vidéos avec des proches dans d’autres cas : lorsque des ordonnances écrites ou des notices ne sont ni en braille ni lisibles avec mon outil de lecture vocale Blaze ou encore lorsque je dois vérifier les selles de mon fils par exemple. »
Des outils et solutions pour une handiparentalité épanouie
Face aux défis de l’handiparentalité, il est essentiel de développer les outils et solutions qui peuvent faciliter le parcours des parents en situation de handicap. Dans cette deuxième partie, nous explorerons quelques exemples d’approches et de ressources qui peuvent être utiles pour une grossesse et une parentalité épanouies.
Il semble tout d’abord primordial de sensibiliser et de former les professionnels de santé afin qu’ils soient mieux informés sur les spécificités de l’handiparentalité. Cela permettra d’améliorer l’accès aux soins médicaux appropriés et d’offrir un soutien adapté aux parents en situation de handicap tout au long de la grossesse et de l’éducation de l’enfant. Certaines aides financières et techniques existent mais il n’est pas toujours simple de les trouver. Dany, par exemple, a pu bénéficier de l’aide du Centre Papillon à Bordeaux qui n’existe malheureusement plus.
« Le centre m’a beaucoup aidé. Il y avait une équipe spécifique composée d’infirmiers et de sage femmes qui accompagnaient les futurs parents et parents en situation de handicap moteur et/ou sensoriel. Il est vraiment dommage que cette structure n’existe plus. L’aide d’une instructrice de locomotion du SAVS m’a également permis de me former pour la gestion de toutes les tâches ménagères, de la vie familiale, de l’aide aux soins et à la préparation des repas lors de la naissance. »
Comme le précise Rafaela, « Il existe de nombreuses ressources et aides techniques pour les parents en situation de handicap. Parmis les moins connues il y a la possibilité de faire appel aux TISF, le droit à la PCH parentalité (prestation de compensation du handicap) qui comprends un forfait aide humaine et un forfait aide technique, la SAPPH (Service d’Accompagnement à la Périnatalité et à la parentalité pour les parents en situation de Handicap) qui propose une unité mobile ressource et un service d’accompagnement pour guider notamment dans le choix des aides techniques. Mais malgré ces ressources, il me semble que la sensibilisation du grand public et du monde médical serait encore bien nécessaire pour permettre une handiparentalité sereine. »
Pour pallier les difficultés d’accès à ces aides, les parents en situation de handicap cherchent souvent à se documenter sur internet. La création de ressources en ligne adaptées aux parents en situation de handicap est donc essentielle. Des sites web, des vidéos et des forums offrant des informations et des témoignages pertinents peuvent aider ces parents à se sentir mieux informés, soutenus et connectés à une communauté qui partage les mêmes expériences.
Dany a par exemple trouvé beaucoup de soutien dans un groupe de parole : « Grâce au groupe Facebook Handiparentalité, j’ai pu partager et trouver des réponses avec les parents concernés par différents handicaps. Au quotidien, l’éducation de mon enfant est bien souvent faite d’astuces et de techniques partagées. Pour l’administration des médicaments, j’ai par exemple pré-gradué tactilement une seringue classique pour me permettre de donner la bonne dose de Doliprane ou de sirop. Lorsque les boîtes de médicaments ne sont pas en braille, j’utilise PenFriend, un étiqueteur vocal qui me permet d’enregistrer le nom du médicament et son dosage sur une étiquette que je colle sur la boîte et que je peux écouter. Pour prendre la température de mon fils, je me suis doté d’un thermomètre parlant. Il y a donc beaucoup d’outils disponibles mais certains manquent encore. On pourrait par exemple imaginer que le principe de l’application Be My Eyes (grâce à un appel de vidéo en direct, des bénévoles voyants fournissent aux utilisateurs aveugles et malvoyants une assistance visuelle) s’étend à des sujets spécifiques comme la pédiatrie. »
Face aux difficultés des parents en situation de handicap, des solutions existent. Mais la spécificité de chaque handicap impose bien souvent des outils et ressources sur-mesure qu’il est parfois difficile de trouver ou qui n’existent pas mais qu’il serait intéressant de créer. L’accès aux solutions du quotidien, aux aides techniques, aux possibilités d’équipements et d’aménagements adaptés est donc un enjeu majeur. Et la création de nouvelles ressources ouvrirait une voie vers l’épanouissement et l’autonomie des handiparents.
L’handiparentalité présente des défis uniques, mais elle est aussi le reflet de la résilience et de la force de ces parents extraordinaires. En reconnaissant les problématiques majeures auxquelles ils sont confrontés et en proposant des outils et des solutions adaptées, nous pouvons créer un environnement plus inclusif, où chaque parent a la possibilité d’élever son enfant dans des conditions épanouissantes. L’handiparentalité est une richesse pour la société, et il est de notre responsabilité collective de soutenir et de valoriser ces parents d’exception.