Comment est née l’idée Popaia ?
En 2017, nous avons été particulièrement touchées par la question de l’intimité des personnes en situation de handicap. Pendant un projet visant à identifier les difficultés rencontrées par les personnes atteintes de déficience visuelle et intellectuelle dans leur parcours de soin, nous avons été marquées par un échange avec des infirmières travaillant auprès de jeunes filles handicapées visuelles. Elles nous ont fait part d’un constat alarmant : ces jeunes filles ont une connaissance limitée de leur corps en ce qui concerne l’intimité, elles ne recourent que très peu, voire pas du tout, à des moyens de contraception en raison d’un manque de connaissances et de ressources adaptées. Les conséquences directes de cette situation sont que ces jeunes filles, pour qui la notion de consentement est souvent floue, sont exposées à des violences sexuelles, des interruptions volontaires de grossesse et des maladies sexuellement transmissibles. En tant que femmes, nous avons naturellement ressenti le besoin de nous impliquer dans ce projet pour aider à remédier à ces problèmes, d’où la création de Popaia.
Nous avons rassemblé des connaissances auprès de divers partenaires tels que des associations, des établissements et des professionnels de terrain, ainsi que des bénéficiaires (personnes fragilisées, professionnels de terrain, aidants, famille…), autour de la question suivante : « Comment adapter l’éducation affective, relationnelle et sexuelle aux personnes vulnérables ? » Cela nous a permis de constater que non seulement il était nécessaire de développer de nouveaux outils, mais surtout que tous ces outils, qu’ils existent déjà ou non, devaient être accessibles à tous, sans exception.
Pouvez-vous nous présenter la plateforme Popaia en quelques mots ?
Popaia est une plateforme qui vise à faciliter le partage de services, de formations et d’outils pédagogiques dans le domaine de la vie sexuelle et affective des personnes vulnérables, telles que les personnes en situation de handicap, les jeunes, les personnes âgées ou les personnes allophones. Notre objectif est de centraliser des ressources tangibles, des services et des formations sur ces sujets, afin de rendre leur accès, leur utilisation, leur acquisition et leur partage plus simples.
Que veut dire « Popaia » ?
C’est un acronyme des mots « Partage d’Outils Pédagogiques liés À la vie Intime et Affective ». Ces lettres mises ensemble forment un nom audible et nous trouvions qu’il raisonnait de façon positive et dynamique.
Quel est la symbolique du logo Popaia ?
Le logotype représente deux colibris. Le colibri est un oiseau fascinant, symbole de bienveillance, il est à la fois fragile et courageux, tout comme nos utilisateurs. En prenant part à une mission importante (éteindre un incendie en transportant d’infimes gouttes d’eau) le colibri porte en lui l’optimisme, la générosité et la force propres à ceux qui s’engagent. C’est tout l’objectif de Popaia. Il s’accouple aussi de manière acrobatique malgré son apparente fragilité, ce qui apporte un petit clin d’oeil à une sexualité inventive et sans a priori.
Pourquoi ces couleurs ?
Lorsque l’on parle de sexualité et de vie intime, le rose est souvent la couleur symbolique choisie. En ajoutant une teinte d’orange dans notre logo, nous avons également voulu représenter l’enthousiasme, l’énergie et l’action.
Vous êtes 3 fondatrices engagées, pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous tient à coeur sur ce projet ?
Nous sommes une entreprise Bordelaise d’accompagnement à la conception d’outils et de services en prenant en compte les besoins des futurs utilisateurs et en particulier ceux présentant une forme de fragilité liée à l’âge ou à un handicap. Notre métier est de mettre à profit notre expertise et notre connaissance de l’humain face à la technologie pour concevoir des outils ergonomiques, intuitifs, pratiques et accessibles.
En créant Popaia, nous voulions permettre aux personnes en situation de handicap d’accéder à toutes les informations qui peuvent nous sembler évidentes à nous public chanceux à la fois éduqué sur le sujet et sans contraintes nécessitant des adaptations particulières, mais qui ne le sont malheureusement pas pour tous. Notre volonté première est de participer à la création d’un monde ou la vie sexuelle et affective est davantage une source de plaisir que de problèmes.
La plateforme doit être lancée cette année, quel est votre plus gros challenge lors du lancement ?
Notre objectif est avant tout qualitatif. Nous voulons garantir des ressources de qualité, adaptées et accessibles en proposant des centaines de contenus spécifiques (intimité et sexualité) actuellement inaccessibles aussi rapidement et simplement que par l’intermédiaire de notre plateforme.
L’intégration des bénéficiaires (personnes fragilisées, professionnels de terrain, aidants, famille…) est également importante. Nous voulons prendre en compte leurs retours dans l’usage de la plateforme (ressources disponibles, expérience de formation et de services, fonctionnalités attendues…) et dans les ressources proposées. Nous souhaitons proposer des innovations de produits et de services tout en offrant la possibilité de s’unir et de collaborer pour créer de nouveaux outils inexistants à ce jour (mannequin texturé, outils spécifiques à un handicap donné…) et en intégrant les bénéficiaires dans la démarche de conception (Co-design, Conception centrée utilisateur…).
Pour finir, nous avons une véritable volonté de faire avancer les choses à travers la plateforme. Notre objectif est de permettre de réduire les violences sexuelles et affectives subies par les personnes fragilisées, car elles seront plus facilement outillées, informées, sensibilisées et éduquées autour des problématiques de vie intime et affective ; de réduire les incidents en ESMS – Établissement ou service social ou médico-social – où à la maison autour des sujets de sexualité, d’intimité et de vie affective (respect du consentement, crise d’angoisse, harcèlement, attouchement sexuel, inhibition des besoins physiologiques, emprise sur les relations affectives et sexuelles…) ; de former, sensibiliser et faire monter en compétences davantage de personnes qui gravitent autour des publics fragilisés, pour leur permettre d’aborder de façon qualitative la vie sexuelle et affective et les droits de ces personnes ; de contribuer à un gain d’autonomie et un bien-être personnel des personnes fragilisées qui ne sont pas autonomes et averties autour de ces sujets qui sont pour la plupart des besoins physiologiques et biologiques (désir, plaisir, menstruation…).